Pour aborder le domaine de l’innovation en santé et aller de l’avant, il est souvent bon de savoir d’où l’on part. Aujourd’hui le système de santé est arrivé à ses limites et se tourne doucement vers les nouvelles technologies afin de trouver des solutions. Le colosse aux pieds d’argiles a amorcé un mouvement que le secteur de l’IT se devra de savoir accompagner. Or c’est un secteur complexe et exigent qui apparait hermétique à ceux qui en sont extérieurs. Sans être la voix de la vérité absolue, essayons de comprendre ce qui se cache derrière l ‘innovation en santé, quels en sont les freins et les limites, et quels sont les leviers pour aider à ce changement. Et pour l’illustrer nous reviendrons sur les signaux forts de l’actualité qu’il est important d’identifier pour comprendre où l’oriente les besoins.
L’innovation en santé : toute une histoire !
Si cet article n’a pas vocation à refaire l’histoire de la médecine depuis ses premières traces, bien loin avant Jésus Christ (-7000 pour les premiers « soins dentaires »). Il veut en faire le point de départ d’une culture. Car il est un fait encore certain, c’est que le milieu médical est siloté et que sa construction entre administration et industrialisation est un casse-tête pour tous. Or, c’est en se penchant sur l’histoire que tout prend sens.
La curiosité du fonctionnement de l’humain nous anime depuis des millénaires. Toutes les civilisations ont cherché des réponses à comment vivre mieux et se « préserver du mal ». Bien plus qu’un simple instinct de survie face à une mort inéluctable, c’est bien la qualité de vie qui était, et est toujours, recherchée. L’éthique médicale, même si elle ne prendra pas ce nom dès le départ, se met en place assez naturellement. Dans un monde où guerre, combats violents et torture sont coutumes, celle-ci par, le biais de la religion, deviendra pudeur puis synonyme d’interdit.
L’influence de l’église sur l’évolution de la médecine
La religion : c’est un élément très important de la médecine telle que nous la connaissons aujourd’hui. Elle va, pendant longtemps contrôler le domaine et notamment son évolution. L’anatomie et l’expérimentation seront ainsi, un long moment, ralentis par les dictats de l’église.
Comment et pourquoi ? La maladie est un concept complexe. Tant l’affection microbienne que mentale ont demandé des centaines d’années de recherche avant d’être comprises. Alors toute personne devenue indésirable par sa condition de santé était mise à l’écart de la société entre des hauts murs épais (sans figure de style), formant les prémices de ce que nous appellerons les hôtels dieu, les hospices.
Or, qui avait la force et la patience de s’occuper de ces pauvres hères sinon les ecclésiastiques ? « Par la force de dieu » ils veillaient sur les plus faibles et les fous, certainement possédés par le mâlin. Ainsi, vous avez un milieu clos, pour enfermer tous ceux qu’on ne veut pas voir, contrôlé par un milieu encore plus réglementé, l’église. A ce moment il n’y a qu’un pas entre innovation en santé ou science et sorcellerie.
Le progrès de la médecine moderne et de l’innovation en santé
Avec l’arrivée des lumières, la médecine avance enfin à nouveau d’un bon pas. On cherche la vérité ou fait la part belle à la science. Mais il faudra attendre la IIIème République pour enfin voir arriver une véritable structuration. Celle-ci se fera autour d’unités fonctionnelles les fameux pavillons. Concrètement, la compréhension des mécanismes de propagation permettra de séparer les malades infectés, et ce, par type d’infections, des patients traumatiques eux-mêmes séparer des douleurs organiques sans infection ou encore des malades mentaux.
La direction de la médecine allopathique (médicamenteuse) et techniques est prise au détriment de la vision holistique qui consiste à voir l’être dans son ensemble en prenant en compte tant sa psyché que son environnement (ce qui n’est toujours pas complètement le cas aujourd’hui).
C’est, en France, le début de la médecine telle que nous la connaissons. La dernière pièce du puzzle attendra la seconde guerre mondiale avec la fin des religieuses dans les hôpitaux français. Elles laisseront la place aux infirmières issue des systèmes Nightingale (UK) et Henderson (CA).
Les limites : les fameuses, si effrayantes !
Notre système français porte encore les stigmates de ces temps. Un monde fermé où n’entre que ceux qui ont montré leur intérêt pour la santé plutôt que du profit. Pourtant, et comme souvent, l’argent est un facteur déterminant.
Aujourd’hui c’est presque 10% du PIB du pays qui est donné à la santé, soit une enveloppe de 244 milliards d’euros votée pour 2023. Et malgré tout, ce budget colossal n’est pas suffisant et la situation des soins est catastrophique.
Un budget encore insuffisant pour l’innovation en santé
Si des budgets innovations sont aujourd’hui accordés aux hôpitaux et fait partie des enveloppes, ils sont encore assez faibles. Les rallonges sont le fruit d’un labeur et d’une préparation longue des équipes des praticiens hospitaliers, professeur d’université (PUPH) et chercheurs.
Or, comment parler d’innovation quand un budget est voté sur parfois 2 à 3 ans ? Si certains médecins ou professionnels de soins s’accrochent à pousser ses projets en interne, certains font le choix de troquer la blouse contre l’innovation et d’impulser ces initiatives en externe, s’ouvrant au monde des startups.
Si ces structures agiles et flexibles ont su prouver leur valeur et leur efficacité. Mais les besoins de la santé s’intensifient et les preuves de concept doivent passer à la vitesse supérieure. C’est le cas de certaines startups qui ont passé le cap, devenant de véritables licornes. Pour d’autres, nous pourrions imaginer un appui par des structures plus lourdes. Or pour que l’économie des industries de l’innovation en santé se mettent en place de façon pérenne, il parait nécessaire que ces acteurs s’entendent et s’organisent afin d’être en accord avec la temporalité du système.
Avec le manque de budget, ce décollage temporel est l’un des freins principaux à l’innovation. Le problème est simple : la startup comme l’ESN (Entreprise de Service Numérique ex ; Accenture, Inetum, Capgemini) ont un besoin de rentabilité immédiat et des capacités d’investissements limitées.
Or l’hôpital public a un besoin mais ne peut prendre des décisions financières de grandes envergures sans passer par un processus long et complexe. Les établissements privés, sont faussement vu comme plus souples, car leur administration passe par des investisseurs et actionnaires qui font face à une réalité économique bien différentes du monde de l’innovation.
La complexité administrative des hôpitaux
C’est d’ailleurs le troisième frein que nous pouvons identifier que l’aspect administratif qui met l’hôpital en position hybride entre sur-administration et acteur économique. De fait, un Centre Hospitalier Universitaire est très souvent le premier employeur d’une ville et son influence va de la santé à la manutention en passant par les services de bouche ou encore le bâtiment : ils touchent tous les secteurs d’activités. Son objectif étant, plus naturellement, l’équilibre au profit, et son fonctionnement intimement lié à l’état en font une bête curieuse pour certains, un casse-tête pour de nombreux autres.
Le défi de recrutement de talents pour l’innovation en santé
Enfin le dernier frein que nous identifions, et qui est inerrant aux changements qui arrivent, concerne le recrutement de talent. Si la santé se tourne massivement vers l’intelligence artificielle et les technologies immersives cela va demander une évolution des DSI (direction de service informatique) hospitalière. Ils devront compter dans leurs effectifs des profils formés et expérimentés de ces domaines. Or, à l’heure où ces profils s’arrachent à prix d’or sur le marché privé, il parait peu probable de pouvoir les attirer avec les salaires pratiqués dans les centres hospitaliers. Un chalenge qui va toucher le monde entier et qui devra trouver une résolution dans la refonte qui s’annonce.
Résumé des grands freins que nous identifions :
- L’investissement public
- L’adaptation des structures privées (investissement et massification)
- Les failles du système administratif
- Le recrutement de talent
Tant de freins qui donnent l’apparence que le système de santé est finalement un colosse aux pieds d’argile, un Léviathan comme le journal Forbes nomme le système de santé américain, qu’il semble impossible à faire bouger, et pourtant…
Les leviers : vent du changement !
Si les leviers d’hier avait plus des allures de sacerdoce et de jeu de patience, ou encore de cheval de Troyes (un service logiciel déguise une montée en charge sur l’innovation, parfois / souvent avortée par la suite) l’évolution « naturelle » des savoirs médicaux et technologiques ainsi que des demandes populationnelles ont créé une brèche qui ne pourra cicatriser seule. Le monde de la santé est en crise et il ne pourra se remettre à flot qu’avec une aide extérieure.
Avant d’ailleurs de rentrer dans l’aspect technologique du changement c’est bien d’innovation et de changement global dont il va falloir parler.
La gestion des patients et de leur parcours doit être différente comme le demande le Pacte de refondation des urgences de 2019 et la circulaire n° DGOS/R2/2019/235. La gestion du personnel, l’organisation des soins, les formations initiales mais aussi continues : c’est la révolution d’un système humain entier que nous allons avoir la chance de vivre.
L’occasion donc de faire valoir les connaissances et les idées de tous (d’où les concertations) tant au niveau humain que technique.
Vers une révolution de la santé numérique
Mais le temps du changement est bel et bien arrivé et nous en avons pour preuves les millions d’euros mis en place sur les financements publiques des projets de santé numérique : Appel à manifestation d’intérêt (AMI) ou Appel à Projet (AAP) pour les Plan d’Investissement pour l’Avenir 4 (PIA4), Compétence et Métier d’avenir (CMA).
Encore récemment 48,4M€ supplémentaires ont été doué aux PIA 4 Santé numérique afin de financer un maximum de projet innovant pour la formation en santé.
Des budgets historiques sont annoncés par le gouvernement pour faire face à ce besoin de renouveau. De nombreux consortium en bénéficient qui allie la force des structures technologique avec le savoir des universitaires : du jamais vu. De plus, les textes officiels prévoient depuis le 10 novembre 2022 que les étudiants en santé soient formés aux usages du numérique.
Les législateurs sont également impactés car ces changements vont apporter leurs lots de cadrages. C’est déjà le cas de l’encadrement de la télémédecine qui est en bonne voie d’être abouties prochainement. S’en suivront les textes sur l’identité dans le métavers ou encore la valeur des habilitations dans les univers de simulation virtuelle, le meilleur exemple restant à ce jour la sécurité des données patients qui doit évoluées à une vitesse extrême tant les outils technologiques avancent : Intelligence Artificielle (gestion de DATA), Réalité virtuelle et augmentée (multiples capteurs). La cybersécurité sera le fer de lance d’un tout technologique puissant.
L’actualité à la loupe : identifions les bonnes nouvelles pour l’innovation en santé !
Ces premiers leviers sont des preuves que le paradigme change, mais ils semblent qu’ils ne soient visibles que par un public averti. Or, dernièrement les signaux forts et visibles ne manquent pas. Nous en garderons les principaux :
Les incubateurs : les structures d’accompagnement pour les idées novatrices
Nous l’avons dit, pénétré le marché de la santé est un casse-tête et demande de pouvoir s’organiser économiquement. La demande de prise en charge de sujet d’innovation en santé a explosé. Si l’incubateur des Hauts-de-France, Eurasanté, se dédie à la E-Santé depuis toujours, les 5 incubateurs du grand Est, se sont récemment alliés pour former un incubateur pour les besoins de la santé. Sans compter sur Paris Santé Campus, Future4Care ou encore Medtech (Frenchtech grand Paris et les hôpitaux de paris) pour ne citer qu’eux.
Ces structures sont là pour permettre l’accompagnement des idées innovantes pour la santé. Elles facilitent également la mise en lien des acteurs du soin avec ceux de la technique. Entre académie, institut et thinktank, les ouvertures à l’acculturation et aux rencontres d’idées et de financeurs ne manquent pas.
Enfin, si 2019 a vu la naissance de l’Agence du Numérique en Santé (ANS), nous comptons dans l’écosystème, depuis le 28 octobre 2021, l’Agence de l’Innovation en Santé (AIS) dont la mission sera d’accompagner cette transition et leur projet innovant.
Les événements en santé : une vitrine pour les innovations les plus prometteuses
Ils sont de plus en plus nombreux et suivis. Le Salon MedIntech, qui vivait ses premières heures en avril dernier, est aujourd’hui reconnu et soutenu par l’Elysée. Le consortium et venture Future4Care tourne à plein régime et jongle habilement entre évènements public (rencontre rassemblant startup et grand compte de l’industrie technologique) et événements privés plus select’, permettant d’avancer des sujets complexes.
J’ai d’ailleurs pu vivre l’un de ces événements en novembre 2022 sur le sujet de l’abord de l’hôpital public par les startup et industrie. Heureuse de constater que nous avions exactement les mêmes éléments de discours (notamment ceux donnés plus haut). J’ai pu également y croiser des acteurs de l’assurance qui sont aujourd’hui à la recherche du meilleur compromis pour limiter le risque.
En apprendre davantage concernant les technologies immersives en santé
Comme chez Kamui Digital Santé, nous souhaitons avancer sur les sujets des technologies immersives nous avons pu assister à de nombreux événements et conférence sur le « métavers » en santé. Comme dit dans nos précédents articles, si le terme marketing aura fait tourner des têtes, il aura surtout permis à la santé d’identifier enfin ses technologies à la hauteur du potentiel qu’elles représentent.
Ainsi, ce sont des dizaines de webinar et de conférences qui ont été massivement suivi sur 2022 dont l’une des dernières à Future4Care. Ce fut l’occasion de remettre à jour les connaissances de certains tout en challengeant les points de vue, tant sur l’usage (en formation, en thérapie) que sur l’adoption ou le cadre légale. Beaucoup de curiosité et d’effervescence sur le sujet auront animés pas moins de 4 tables rondes avec une douzaines d’acteur de tous les secteurs.
L’adoption des technologies, et notamment immersives, étant l’une des contraintes principales aujourd’hui, il est encourageant de voir arriver sur la scène médicale l’Institut National de la E-Santé (INES) qui portera de nombreuses formations de tous types : du Diplôme Universitaire (DU) au Mooc… sur les technologies en santé. L’institut a également mis en place un système de « pré-évaluation simplifiée de la qualité clinique et de la pertinence des solutions numériques en santé à visée clinique » : le Médical Digital Solution Score.
Conclusion
Nous vivons des heures historiques où la Santé va prendre un tournant radical. Certes ce ne sera pas sans quelques accrochages, mais il est certains qu’il est amorcé. De nombreux signaux forts font état de ce début de changement qui répond aux appels de détresse d’un secteur épuisé. Si les acteurs technologiques et les penseurs se mobilisent adroitement, dans la compréhension et le respect d’une histoire et d’une culture, ils permettront l’avènement de la Santé numérique globalisée comme de la santé immersive. Ne nous reste qu’à retrousser nos manches et à ouvrir nos portes.
« Ensemble chargeons le monde » n’a jamais été aussi proche d’être une réalité, même virtuelle !
Que vous soyez professionnel ou industriel dans le milieu médical, Kamui Digital Santé vous accompagne dans la mise en place de votre stratégie de communication. N’hésitez pas à nous contacter pour échanger ensemble à ce sujet ou si vous avez des questions concernant l’innovation en santé.